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version initiale 2002
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dernière mise à jour
22 mars 2013

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Capteurs de pression et de force

troisième partie (3/6) : jauge en couche mince

la source de tous les maux
un schéma classique
un empilement complexe
une co-évaporation
les microsoudures adaptées
analyse comparée
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capteur de pression à jauge de contrainte en couche mince

problème de la colle

Dans un capteur de pression classique, les jauges de contrainte sont collées sur une membrane déformable qui leur transmet les déformations qu'elle subit du fait de la pression appliquée et par suite, ainsi qu'on l'a vu ci-avant, leurs résistances varient donnant lieu à un signal électrique exploitable pour la mesure.


La principale difficulté de cette exploitation provient de l'incertitude concernant la transmission exacte des déformations. En effet, pour des raisons évidentes, entre la membrane et l'élément sensible métallique il y a le support polyimide de jauge et la couche de colle qui assure la fixation ET la transmission des déformations.

Malheureusement, nonobstant les progrès de la chimie des polymères, les colles présentent des limites d'emploi en température au delà desquelles elles sont responsables de fluage et d'hystérésis importants et elles vieillissent mal. De plus eu égard au processus manuel de collage, il est difficile d'obtenir une couche uniforme de colle totalement exempte de microbulles d'air ce qui crée des perturbations de transmission de contrainte.

Afin de résoudre ces difficultés, divers laboratoires de recherche ont imaginé de remplacer la colle par un interposant céramique en couche plus ou moins mince sur lequel seraient déposées, selon la même technologie couche mince, l'élément de jauge. Ainsi l'uniformité de l'intermédiaire serait assurée, sa tenue en température étendue et l'ensemble du composant ayant une épaisseur sensiblement réduite permettrait une réponse améliorée en sensibilité et temps de réponse.

C'est une telle procédure que nous allons décrire maintenant en en montrant les avantages mais aussi les difficultés de réalisation, en prenant pour exemple les travaux menés en fin des années 70 au LCIA de l'INSCI de Rouen (devenu depuis INSA), mais aussi chez divers constructeurs français ou américains.


disposition des jauges

Pour transmettre la pression on utilise divers types de membrane plane ou ondulée, parfois les jauges ne sont pas disposées sur la membrane, mais celle-ci est en liaison mécanique avec une poutre encastrée sur laquelle sont fixées les jauges.

Nous prendrons comme exemple le cas d'une membrane circulaire plane sur laquelle le pont de jauges sera déposé. Afin d'obtenir la sensibilité maximale il importe de disposer les jauges judicieusement, ce qui implique la connaissance au préalable de la réponse de la membrane.

Celle-ci peut être obtenue théoriquement par le calcul, mais certaines approximations concernant l'encastrement réel de la membrane induisent une incertitude non négligeable, aussi préfère-t-on généralement réaliser une analyse expérimentale en collant sur le diamètre d'une membrane d'essai un réseau linéaire de jauges et en relevant leur réponse en fonction de la pression en régime statique à température constante. On peut ainsi obtenir la répartition longitudinale des contraintes tant tangentielles que radiales et préciser la plage de linéarité de la réponse du matériau. Il est ensuite possible d'imaginer la géométrie du pont spécifique à réaliser pour avoir la plus grande sensibilité, c'est à dire le meilleur compromis possible sachant qu'il faut éviter les brins de liaison dans des zones où ils diminueront la réponse et placer les points de connexion dans des zones de préférence neutres.


La figure donne la réponse mesurée expérimentalement de la membrane choisie. On notera que la contrainte radiale passe par un maximum au centre de la membrane, s'annule à environ 2/3 du rayon, est fortement négative au voisinage de l'encastrement, puis diminue pour s'annuler à la périphérie, tandis que la contrainte tangentielle (t) reste toujours positive en décroissant régulièrement du centre vers la périphérie.

Conséquences:

Il en résulte que les jauges à déformation positive devront être placées le plus près possible du centre de la membrane et que leur géométrie n'est pas trop critique puisque les contraintes radiale et tangentielle y sont d'amplitudes comparables. Par contre en ce qui concerne les jauges périphériques à déformation négative, il est évident que les contraintes radiale et tangentielle étant de signe opposé il sera impossible d'obtenir la même sensibilité à géométrie identique. Enfin on notera la difficulté représentée par les brins d’interconnexion entre jauges centrales et périphériques qui nécessairement seront soumis à des contraintes variant fortement en amplitude d'une extrémité à l'autre. On imagine aisément qu'eu égard aux contraintes technologiques de réalisation et au savoir faire des constructeurs les géométries retenues pourront varier sensiblement d'une réalisation à une autre. La figure suivante (voir paragraphe 1.3.4) donne le principe de la géométrie retenue à Rouen.


dépôt de diélectrique

Le choix de l'interposant diélectrique résulte d'un compromis entre la résistance d'isolement et la qualité d'adhérence du dépôt sur le substrat. En effet la jauge sera constituée d'une couche mince de 250nm d'épaisseur, il importe donc que l'état de surface du substrat ne fasse pas apparaître d'irrégularités d'amplitude supérieure à 25nm. Cela impose un polissage très soigné (miroir) de la surface du capteur. Ce polissage signifiant absence d'irrégularités en surface favorisant l'accrochage du diélectrique on en déduit aisément que l'adhérence de celui-ci posera problème. En outre les matériaux isolants électriquement sont généralement des matériaux à faible coefficient de dilatation (environ 20 fois moindre que celui des métaux) il en résulte une difficulté supplémentaire pour maintenir l'adhérence lorsque la température varie.
Compromis retenu:

Pour assurer l'adhérence on pourrait imaginer d'exploiter une technique de dépôt assurant l'interpénétration superficielle entre le matériau constituant la membrane et celui constituant le diélectrique ce qui impliquerait un procédé de dépôt énergétiquement agressif du type pulvérisation atomique, un autre choix pourrait être de favoriser l'oxydation superficielle de la membrane afin de permettre une liaison via des atomes d'oxygène entre la membrane et la couche d'isolant. La solution retenue s'inspire de cette idée mais exploite une réalisation différente.
Nous avons, après divers essais, opté pour une solution très élaborée de diélectrique composite assurant le passage graduel de l'acier (métal) de la membrane à la silice (substrat idéal pour un dépôt ultérieur d'alliage).

L'empilement comporte en effet une couche d'adhérence de quelques dizaines de nanomètres obtenue par évaporation au canon à électron d'alumine Al2O3 en vide poussé. Du fait du bombardement l'alumine est décomposée en oxygène natif qui est, soit partiellement pompé (et évacué à l'extérieur), soit qui va partiellement se fixer sur l'acier du substrat, et en sous oxydes d'aluminium AlOx (0<x<1) qui sont proches du métal du point de vue dilatation et vont donc se fixer très correctement sur l'acier (notons que l'oxygène possède une double liaison possible ce qui favorise le pontage entre l'acier et l'aluminium).

Dans une seconde phase d'évaporation, de l'oxygène, préchauffé afin d'accroître sa réactivité, est introduit dans la chambre à vide, afin de compenser celui perdu du fait du pompage et de réoxyder au mieux l'aluminium. On dépose ainsi environ 1.5µm d'alumine de bonne qualité. Malheureusement, du fait de cet excès obligatoire d'oxygène natif, l'alumine présente environ 1% de trous en volume incompatibles avec un isolement parfait, aussi vient-on combler ces trous en déposant, conjointement ensuite, un mélange d'alumine et de monoxyde de silicium SiO (dont la proportion initialement de 0% augmente graduellement au cours du dépôt jusqu'à 100%) sur une épaisseur d'environ 0.4µm. Puis une couche de silice SiO2 de 0.1µm vient assurer un état de surface optimal. On obtient par le biais de cet empilement composite de 2µm d'épaisseur une résistance d'isolement supérieure à 104M à l'ambiante sous 10 V.

Notons cependant que si lors de l'évaporation une poussière métallique de l'ordre de 1µm de diamètre (ou plus) vient malencontreusement rencontrer le substrat cet isolement est évidemment compromis. Il importe donc de travailler dans un environnement extrêmement dépoussiéré si l'on veut une probabilité raisonnable de réussite. Rappelons pour mémoire que dans une salle blanche en classe 100 (ce qui se fait de mieux) il y a encore 4000 particules par m3 d'une taille supérieure à 0.5µm et qu'en vide de 10-6Torr (soit de l'ordre de 3.1016 molécules/m3) un substrat de 1 cm2 est percuté par environ 51014 particules par secondes. Un calcul statistique élémentaire montre qu'une enceinte de 50 litres comporte donc avant mise sous vide 200 particules gênantes si l'on travaille en classe 100, mais 20000 si l'on est en classe 10000 (cas actuel du laboratoire) et plus de 5 millions si l'on est en environnement normal.

Dans ce dernier cas il est fort probable qu'il reste, après vidage, au moins une particule de grande dimension et, qu'au cours du dépôt de diélectrique qui s'effectue en trois heures, il y ait toutes les malchances pour que cette particule vienne se déposer sur le substrat.


dépôt de l'alliage

Les matériaux acceptables pour constituer des jauges de contrainte sont en nombre limité. Il s'agit d'alliages possédant un coefficient de température très faible. En pratique en raison des difficultés pour les obtenir à l'état de couche mince seuls quelques uns sont retenus: alliages Ni/Cr (société SEDEME), Cr/Si (STATHAM), Ni/Cu (LCIA Rouen).

Le Ni/Cr est retenu en raison des caractéristiques métallurgiques proches de ses 2 constituants, ce qui permet l'emploi de la pulvérisation cathodique d'une cible de Ni/Cr.

Le Cr/Si présente l'intérêt de simplifier la procédure de dépôt en permettant l'emploi du même système de codéposition par 2 canons à électrons pour l'ensemble du dépôt diélectrique et alliage (en effet, la Compagnie Statham utilise le Cr comme couche d'accrochage, puis SiO2 obtenu par évaporation de Si en milieu d'oxygène comme diélectrique et enfin Cr2Si obtenu par coévaporation comme élément de jauge).

Le Cu/Ni (de type constantan) a été retenu à la suite d'une étude systématique des alliages concentrés Cu/Ni en couche mince qui a démontré les principaux résultats suivants: La procédure retenue est celle de coévaporation asservie. Le cuivre est obtenu par dépôt thermique à partir d'un creuset chauffé par effet joule à puissance constante, et le flux de nickel, obtenu par le biais d'un bombardement électronique, lui est asservi.

La procédure d'asservissement à PID numérique permet de garantir une reproductibilité de composition de 0.1% en masse et une excellente homogénéité dans l'épaisseur (meilleure que 1%, c'est à dire meilleure que ce que l'on rencontre dans les alliages de constantan massif)
géométrie des jauges
Pour définir le dessin des jauges deux procédés sont envisageables: Le premier procédé présente un inconvénient majeur dès lors que le motif à déposer est de petite taille (20µm de large) c'est la présence d'effets de bord dus au fait que les deux évaporateurs ne sont évidemment pas confondus et que le masque possède une épaisseur non nulle et du même ordre de grandeur que le motif à déposer. Les couches d'alliage risquent donc dans la direction perpendiculaire à l'axe des évaporateurs d'être encadrées de fines couches de métaux purs aux propriétés résistives sensiblement moins intéressantes (CTR de 10-3/°C et résistivité 20 fois plus faible).

Aussi dans une réalisation industrielle préfère-t-on toujours employer les techniques de gravure. Cependant alors qu'il est aisé de réaliser un circuit imprimé et que les procédures de photolithogravure sont fondées sur le même principe de base, en pratique il y a un certain nombre de difficultés.

Bien évidemment eu égard à la finesse des motifs il faut travailler impérativement en environnement dépoussiéré de classe 100. Par ailleurs il s'agit de graver un alliage (c'est à dire deux constituants chimiques différents) sans évidemment graver le diélectrique ni le perturber. Ainsi il est aisé de graver le Cu et le Ni par une solution d'iode dans l'iodure de potassium, mais l'iode diffuse dans le diélectrique et modifie ses qualités isolantes.

Aussi la gravure à l'acide nitrique est elle seule possible et un travail important a été nécessaire pour déterminer la température et la concentration optimales permettant de contrôler au mieux le processus de gravure.


connexions

Il convient ensuite de relier le pont de jauges au monde extérieur tout en le protégeant des agressions de celui-ci. En effet une couche mince est fragile et tout particulièrement s'il s'agit d'un constituant à base de cuivre, matériau oxydable.

En raison des dimensions les connexions par soudure à l'étain, au fer à souder, sont exclues. On dispose alors de deux techniques adaptées à la microélectronique:

-soudure par ultrasons

-thermocompression


La technique par ultrasons consiste à "fritter" un fil d'or ou d'aluminium, de 20µm de diamètre, mis en contact avec le film mince par le biais d'un outil en forme d'aiguille lequel est excité par un générateur ultrasonore à 60-80kHz (voir fig. ci-dessous)


Trois paramètres sont ajustables et permettent d'optimiser la qualité de la liaison : la pression verticale exercée par l'outil, la fréquence de vibration et la durée de celle-ci (quelques secondes en général).

La thermocompression (ball-bonding) consiste à chauffer au microchalumeau un fil d'or de 25µm de diamètre afin d'obtenir une boule en fusion à son extrémité que l'on va mettre en contact par pression contrôlée avec la couche mince. La liaison obtenue est évidemment beaucoup plus proche d'une soudure que dans le cas précédent.


Les deux techniques sont cependant sensiblement équivalentes et donnent des résultats semblables. Notons qu'elles ont été élaborées pour effectuer des connexions sur du silicium et que les machines ne sont pas adaptées au cas des couches sur substrat métallique (capteur trop épais ou membranes qui peuvent entrer en résonance avec la mise en oeuvre des ultrasons).

Après cette connexion on procède à une encapsulation sous vide de la partie fragile ce qui n'est pas non plus aisé à réaliser. La figure donne un aperçu du montage réalisé.

On notera qu'un anneau de céramique est fixé sur la partie supérieure du capteur de telle sorte qu'elle affleure au niveau de la membrane. Cette céramique sert de support à une cosse relais massive déposée chimiquement qui permettra le passage du fil de 25µm venant de la couche mince à une connexion souple mais de section 0.2 mm soudable à l'étain ou brasable sur la borne isolée du connecteur. Ce n'est qu'une fois montés ces fils de liaison que l'on pourra fermer le capot sous vide par bombardement électronique.

On conçoit aisément les difficultés pratiques de cette réalisation et l'irréversibilité de la fixation du capot.


Résultats

Nous donnons ci-après une fiche caractérisant les résultats obtenus en laboratoire au LCIA-Rouen en les comparant à ceux de quelques dispositifs commercialisés:

  Philips KP101 Sedeme CMC Sedeme MD LCIA Rouen
capteur silicium inox inox inox
type jauges diffusées couches minces trame collée couches minces
nature jauges Si(N) Ni/Cr Ni/Cu Ni/Cu
valeur R (W)   490 + 25 350 + 1 309 + 15
équilibre zéro 5% 5% 0.2% mieux que 3%
diélectrique Si(P) SiO2 polymère Al2O3/SiO2
plage T (°C) - 40 + 125 - 30 + 130 0 + 60 ou -30 + 100 -50 + 400
CTR /°C 10-3 2.10-4 2.10-4 < 3.10-5
stabilité bonne   0.1% / an 0.01%
plage P (Bars) 0-2 0-20 à 0-1000 idem idem
K 50 2.2 2.2 2.2
signal e.m.(mV/V) 12 3 2 2.2
nb de cycles ? ? < 106 >106

On notera sur ce tableau les performances différentes en température (plage de fonctionnement et dérive thermique), la similitude des signaux obtenus pour les jauges constantan ou Nichrome, le signal plus avantageux des jauges silicium mais leur limitation en pression (2 bars maxi alors que les membranes d'acier n'ont en pratique quasiment pas de limitation supérieure puisqu'il n'existe pas de limitation technologique à l'épaisseur de la membrane d'acier à l'inverse du cas du silicium).