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7 pages à l'impression
version initiale 2002
dernière mise à jour
22 mars 2013

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LES TENDANCES TECHNOLOGIQUES

septième partie (7/8) avancées récentes

techniques avancées en réseau
IBM et MRL Sensors
concept d'instrument virtuel
ce qu'il faut en savoir
le retour de l'analogique ?
des exemples très en pointe
une collection d'icônes pour visiter tout le site

Dans cette dernière partie nous allons examiner le futur des capteurs intelligents.

3 tendances semblent se faire jour :

techniques avancées en réseau

Le développement des réseaux industriels est a priori porteur d'avenir pour le concept de capteur intelligent. Cependant l'une des limitations concerne la multiplicité des protocoles de communication et des interfaces adaptés. Nous reviendrons sur ce problème dans le chapitre consacré aux techniques de communication. Nous allons cependant présenter ici un exemple de réalisation avancée récente à titre d'illustration.
architecture MRL Sensors

La figure ci-dessous représente le schéma de principe d’une architecture développée conjointement par IBM et MRL Sensors et pouvant mettre en œuvre jusqu'à 8000 capteurs incorporés dans 256 noeuds de capteurs intelligents. Chaque noeud est programmable, adressable et compatible avec les bus logiques standard et il peut comprendre les commandes envoyées par le contrôleur hôte. Chaque noeud est contrôlé par microprocesseur, possède une résolution de 12 bits et peut gérer 32 capteurs et/ou actionneurs. Le prototype d’un tel système a été développé autour d’un analyseur de gaz opérant à plus de 1000°C.

Conçu selon le concept de bus, le système est flexible et permet de substituer des capteurs plus performants sans reprogrammer l’hôte. Parmi les principaux avantages d’un tel système pour les usagers figure la possibilité pour les constructeurs de développer des innovations sans avoir besoin de demander aux utilisateurs de faire du reingeneering à chaque parution d’une nouvelle famille de produit.


Le système est constitué de 4 modules : Dans le système de MRL Sensors un capteur de niveau basique doit être défini. Un noeud minimum comporte 5 composants. Le noeud doit être capable de faire du traitement de signal analogique tel l’amplification, l’adaptation d’impédance, le changement de niveau, le filtrage et le multiplexage, ainsi que la conversion analogique digitale, et bien évidemment la communication à travers un bus bidirectionnel et la compréhension des messages et commandes qui lui sont adressés par l’ordinateur hôte principal.

L’un des objectifs de ce projet, et c’est ce qui le rend exemplaire, était de développer des interfaces et soft au niveau du calculateur hôte aussi génériques que possible (en réaction avec la tendance de beaucoup de systèmes d’acquisition d’être très spécifiques et donc absolument non portables d’une application à une autre).


CONCEPT D'INSTRUMENT VIRTUEL

Le monde économique, les médias aussi bien que les informaticiens sont friands de nouveautés ou de pseudo-nouveautés exprimées le plus souvent par des concepts sémantiques faisant appel à des vocables à la mode. Le vocable capteur intelligent étant actuellement déjà démodé (ou bradé) puisque aujourd'hui il n'existe plus un secteur technique qui ne se soit découvert "intelligent", on parle ainsi de véhicule intelligent, de maison intelligente, récemment j'ai découvert une publicité pour une cafetière intelligente, et je m'attend chaque jour à voir apparaître l'homme "intelligent"... aussi il a fallu inventer autre chose et c'est ainsi qu'est relativement récemment apparu dans la littérature le concept d'instrument virtuel voire de capteur logiciel. Concept que nous avons déjà évoqué par ailleurs chap31.

Il ne faut pas se leurrer il s'agit non d'une révolution mais simplement d'un habillage de notions très anciennes. L'objectif le plus intéressant de ce concept est sans doute de chercher à unifier un certain nombre de fonctions en exploitant la représentation "objet" pour mieux modéliser le capteur intelligent et proposer au concepteur une espèce de boite à outils d'aide à la conception et à l'intégration de capteurs intelligents.

Ainsi l'application du concept objet au modèle d'instrument virtuel tel qu'il fut proposé par le groupe de réflexion de la CIAME conduit à préciser six domaines comportant des fonctions et des attributs dont l'ensemble va constituer l'instrument virtuel. Ce sont : Ceci n'est guère nouveau et je n'en veux pour preuve qu'un exemple de capteur logiciel bien connu de tous, et de longue date : la balance électronique du rayon fruits et légumes de votre supermarché habituel. En effet, le propre d'un instrument virtuel (ou d'un capteur logiciel) c'est de permettre l'obtention, à partir d'une ou plusieurs mesures réalisées avec des capteurs bien réels, d'une information élaborée que l'on ne pourrait obtenir directement. Ainsi cette balance à partir d'une déformation mécanique d'un capteur lié à son plateau et d'une information codée résultant de la pression d'une touche "type de produit à peser" va élaborer une étiquette indiquant le prix à payer. On a bien eu la fonction acquisition de données, fusion de deux données, évaluation et prise de décision (impression d'étiquette) et gestion des données ( transmission via le réseau informatique au gestionnaire du rayon de l'information quantité vendue).

Un autre exemple pour illustrer la non nouveauté de ce concept, nous vient de l'automobile. Depuis plus de 30 ans maintenant certains véhicules (pas forcément de très haut de gamme) disposent d'un affichage sur le tableau de bord du nombre de km leur restant à parcourir avant la panne sèche. C'est typiquement un instrument virtuel puisqu'il n'existe aucun capteur fournissant directement cette information. Mais à l'aide d'une mesure de la quantité de carburant restant dans le réservoir, de la distance parcourue depuis la mise en route du véhicule et de la consommation moyenne au km enregistrée depuis le départ un petit microcontrôleur est en mesure de calculer effectivement cette information et de la restituer sur l'écran du tableau de bord.

Précisons cependant quelques fonctionnalités de l'instrument virtuel:

fig.modèle mono-niveau d'instrument virtuel

Sur ce graphique le monde externe est représenté par le rectangle inférieur. Il correspond à tout ce qui n'est pas contenu dans la machine virtuelle, c'est à dire: Ainsi qu'on l'a précisé plus haut l'instrument virtuel représente les services communs de bas niveaux mis à la disposition des domaines pour favoriser leur accomplissement : gestionnaire d'événements, de mémoire et de communication. Enfin les 6 domaines échangeant des informations entre eux et/ou avec le monde extérieur
  • l'acquisition des données gère l'interface d'entrée avec le monde externe et plus particulièrement les capteurs, les réseaux, les interfaces homme-machine.
  • la fusion de données synthétise des données issues des différents capteurs, sur des fenêtres de temps. Elle enregistre ces informations dans la base de données et est capable de corréler les informations des capteurs avec celles contenues dans la base de données.
  • l'évaluation de situation utilise les résultats fournis par le module de fusion de données et les modèles contenus dans la base de données pour produire un indicateur de la situation réelle par rapport à la situation prévue.
  • La prise de décision est le chef d'orchestre qui gère la synchronisation des actions du système, la sécurité, et donne les ordres aux actionneurs.
  • La restitution des données gère l'interface de sortie avec le monde externe (actionneurs, réseaux, IHM)
  • La gestion des données centralise les informations statiques et dynamiques du système et offre les services d'une base de données.
Ce modèle qui correspond au cas général le plus sophistiqué peut évidemment être simplifié et ne pas comporter l'ensemble des 6 domaines ou l'ensemble des fonctionnalités.

Ce qu'il convient de retenir c'est tout simplement qu'avec la puissance actuelle des processeurs, capables d'exécuter plusieurs centaines de millions d'instructions par seconde, on dispose de la possibilité d'intégrer dans un instrument des traitements statistiques complexes et des procédures de traitement de signal élaborées, quasiment en temps réel, donc transparentes pour l'utilisateur. Il est ainsi possible de créer (d'alimenter) des bases de données importantes et de les exploiter immédiatement et ultérieurement à tout moment pour affiner une information et créer une information nouvelle très élaborée. Cependant cette fonction qui n'est jamais qu'un élargissement de ce que les électroniciens depuis toujours appellent la fusion de données et qu'ils ont pratiquée avec des moyens analogiques bien avant l'introduction du microprocesseur, ne permettra jamais d'obtenir des résultats crédibles à partir de données fausses dont on ignore qualitativement et/ou quantitativement le degré de fausseté.

Et je voudrais enfin mettre en garde le lecteur contre une idée de plus en plus répandue dans les milieux informatiques prétendant pouvoir reconstituer une donnée manquante dans une série de mesures. Cela n'est possible qu'à une seule condition : connaître avec perfection les lois qui régissent le phénomène examiné, et en outre connaître avec une précision connue les diverses incertitudes liées à la chaîne de mesure.

Ainsi il est parfaitement illusoire de prétendre reconstituer les données manquantes (en raison de panne de l'instrument) dans la base de données des mesures de pollution atmosphérique réalisées par un réseau de mesure de cette pollution, pour la simple raison qu'on ignore complètement à l'échelle locale les processus de dispersion de la pollution et qu'aucune information n'est disponible pour fournir au moment de la panne du capteur quelles étaient les sources de pollution en action et comment elles se répartissaient ni même quelles étaient les réalités microclimatologiques du moment. L'analyse des données existantes et de leur variabilité montre à l'évidence qu'il est peu crédible d'extrapoler (par quelque procédé mathématique aussi sophistiqué soit-il) à partir des données d'autres capteurs ou des données présentes du même capteur quand il fonctionnait (sachant en outre que l'on ne dispose d'aucun moyen pour identifier si une information présente est valide).

Même la NASA, dont les moyens d'investigation sont pourtant considérables, précise cela d'une manière extrêmement claire dans les documents qu'elle met à disposition sur son site web : L'informatique et la puissance des moyens de calcul ne dispensent pas, et ne dispenseront jamais, l'utilisateur de faire preuve de bon sens et d'esprit d'analyse critique.


Le retour de l’analogique ?

Pour terminer ce tour d'horizon des techniques dites "intelligentes" nous allons insister sur un élément important : l'avenir n'est pas au tout numérique. L'électronique analogique est encore perfectible et source de développements intéressants car elle présente sur le numérique un avantage incontestable, c'est la permanence de l'information, c'est à dire la possibilité de traitement en temps réel effectif. Aussi l'avenir le plus prometteur du capteur intelligent passe-t-il peut-être par l'association de capteurs analogiques avec des circuits spécifiques de traitement analogiques eux aussi. Nous allons illustrer cette notion avec deux exemples issus de la recherche californienne et destinés, l'un au monde des prothèses médicales, et l'autre à la robotique.

Silicon ears : oreilles artificielles

De très nombreux travaux concernent le développement d'un modèle de l'oreille interne et tout particulièrement de la cochlea et ensuite son implémentation dans une architecture électronique ou électro-mécanique.

Les ondes sonores sont collectées à la façon d’un entonnoir par le pavillon de l’oreille pour les diriger vers le conduit auditif. Elles frappent ensuite le tympan et y déclenchent des vibrations qui sont transmises à l’oreille moyenne. Là, le relais des vibrations est assuré par trois petits osselets appelés, du fait de leur forme, le marteau, l’enclume et l’étrier. Dernier osselet de la chaîne, l’étrier s’appuie sur la fenétre ovale, un orifice qui communique avec l’oreille interne.Les cellules sensorielles sont placées dans l’oreille (limaçon); à l’entrée celles des hautes fréquences et à l’intérieur celles des basses fréquences.


Le problème des malentendants est généralement que la liaison entre les divers éléments mécaniques de l'oreille interne est défaillante et qu'en conséquence les récepteurs sensoriels du limaçon ne reçoivent aucune stimulation. Longtemps on s'est contenté d'utiliser un dispositif amplificateur placé dans l'oreille externe ce qui ne résoud que très imparfaitement voire pas du tout le problème. L'objectif des travaux actuels est donc de reconstituer un dispositif simulant l'ensemble de l'oreille externe et interne jusqu'aux terminaisons nerveuses que l'on connectera donc directement aux "entrées" du nerf auditif. Nous citons en référence les travaux des équipes de R.F. Lyon et MH Goldstein qui ont tenté une réalisation purement analogique. Nous présentons ici une structure développée au Cal Tech sur un seul chip qui calcule en temps réel toutes les sorties en utilisant un processus analogique à temps continu. Le concept est complexe. La différence entre une oreille biologique et ce chip est que le processus analogique mécanique effectué dans l’oreille est ici réalisé électroniquement dans le chip.

Par exemple l’énergie dans l’enclume de l’oreille est couplée dans une structure mécanique appelée basilar membrane qui convertit l’information temporelle en une information codée spatialement, dans le chip ceci est approximé par une cascade de circuits du second ordre avec des constantes de temps croissant exponentiellement .

En complément de cette membrane basilar le chip modélise aussi les cellules externe (outer hair cell) et interne et les neurones ganglionnaires (spiral-ganglion neuron en anglais). Les circuits de cellule externe contrôlent l’amortissement du circuit membrane. Le circuit modélisant les neurones constitue la sortie principale du chip modélisant la réponse auditive.

Dans le système physiologique aussi bien que dans le circuit intégré la réponse à un son est une série de pics de tension correspondant approximativement à l’excitation des neurones biologiques. Après que le chip a été fabriqué il a été testé par comparaison avec la réponse d’un chat, d’abord pour un son à 1840Hz, puis pour 2000 clicks de 30dB et qualitativement on a remarqué que la réponse s’apparentait à celle de l’oreille du chat. Mais il se passera encore beaucoup de temps et il faudra beaucoup d’autres tests avant que le système soit commercialisé en tant que prothèse humaine.



Fig.schéma synoptique du microcircuit auditif (courtesy IEEE, Spectrum)

Cependant les résultats importants actuels de la recherche américaine sont les suivants : De nombreuses recherches sont actuellement entreprises pour modéliser de la même façon l’oeil humain et en tirer une architecture utilisable en temps réel en robotique mobile. Ainsi à l’Université de Pennsylvanie un chip comportant un réseau de 5x5 photorécepteurs de 10 nm, à réponse logarithmique, a été implémenté. La réponse logarithmique permet d’envisager une très large plage d’illumination sans risque de saturation.

Ici encore cette rétine artificielle comporte des éléments de traitement temps réel analogiques. Les entrées de chaque pixel sont moyennées dans un opérateur complexe appelé « différence de gaussiennes » qui permet d’éliminer les moyennes locales et de conserver seulement les discontinuités.
Conclusion

Ainsi que le souligne John Lazzaro, de l’Université de Berkeley, ces prototypes de capteurs seront bientôt considérés comme des macrocellules dans des librairies standard de fondeurs de silicium et qui pourront donc être implémentées dans des dispositifs complexes avec la même facilité qu’une simple bascule JK. Mais il faut avant tout détecter des applications pouvant tirer partie de ce préprocessing analogique pour que le marché explose véritablement.

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