Dans ce chapitre nous allons
passer en revue, d'une part, quelques éléments de classification
et, d'autre part, les éléments de métrologie qu'il
est indispensable de maîtriser lorsqu'on veut utiliser un capteur dans
une quelconque application. Il existe d'excellent cours de métrologie,
notre objectif ici n'est pas de les plagier mais plutôt de démystifier
la métrologie en donnant au lecteur les moyens de lire la fiche technique
d'un capteur et surtout d'identifier les informations utiles (et parfois indispensables)
qui n'y figurent pas et, pour celles qui y figurent, les éventuelles
anomalies qui rendent la documentation technique encore trop souvent incompréhensible
ou inexacte.
Les grandes
familles de capteurs sont au nombre de quatre:
capteurs
analogiques:
Ils fournissent
un signal analogique en fonction d'une grandeur physique, électrique,
mécanique,.... C'est la catégorie la plus importante. Le tableau
ci-après fournit un panorama synthétique des domaines d’application
et principes de transduction d'une grandeur physique en grandeur électrique,
effectivement utilisés dans des capteurs commercialisés.
une relation mathématique univoque existe entre la grandeur d'entrée
E et le signal de sortie S = f(E)
On peut décomposer
cette famille en deux grands groupes,
- les capteurs physiques
caractérisés par l'existence d'une relation
permanente entre la grandeur à mesurer et le signal de sortie
du capteur
- et les
capteurs chimiques qui ne possèdent pas cette caractéristique
et vont donc impliquer un processus d'utilisation
séquentiel beaucoup plus complexe et beaucoup plus susceptible
de conduire à des erreurs d'interprétation. En effet les capteurs
chimiques impliquent une réaction physico-chimique
entre le capteur et l'environnement qu'il est chargé d'appréhender,
réaction mettant en jeu une surface d'échange dont, par essence,
la taille est limitée. Il en résulte le risque de saturation
et donc d'inefficacité du capteur, risque que l'on devra apprécier
et éviter en procédant très régulièrement
à un reconditionnement
du capteur. Ce processus sera généralement automatisé
selon une fréquence adaptée (toutes les secondes parfois)
et pendant sa durée le capteur ne sera évidemment pas disponible
pour une mesure.
Ce sont ces
deux familles auxquelles nous nous intéresserons principalement dans
la suite.
Capteurs Physiques
|
Capteurs Chimiques
|
capteurs optiques
|
capteurs de gaz
|
capteurs de déformation
( force, pression, accélération, etc.) |
capteurs d'humidité
|
capteurs de température
|
capteurs ioniques
|
capteurs magnétiques
|
capteurs biochimiques
|
capteurs acoustiques
|
|
rayonnements nucléaires
|
|
débit volumique ou massique |
|
tableau
de quelques principaux domaines d'application des capteurs
capteurs logiques:
capteurs présentant
deux états (0 et 1) dont le modèle
est le contact ouvert ou fermé (fin de course, capteur de niveau...).
C’est la catégorie appelée « key sensor » en
anglais. Leur importance est notoire dans de nombreux domaines de la technique.
Ils interviennent le plus souvent en tant qu'éléments
de sécurité. Mais en raison de leur très
grande simplicité ils ne seront pas étudiés ici, sauf exception
faisant appel à des technologies avancées.
ici on aura S = 0 ou 1
capteurs numériques:
qui fournissent
un signal fréquentiel, c'est à dire un certain
nombre d'impulsions par unité de temps (n) en fonction de la grandeur
mesurée (E). Le capteur type de cette catégorie est le
tachymètre à optocoupleur ou encore le pluviomètre
à auget basculant. Leur intérêt majeur réside dans
leur facilité d'emploi puisqu'ils peuvent être directement couplés
à un compteur
et ne nécessitent donc qu'une électronique associée réduite.
S = n avec n = kE avec k entier
capteurs digitaux:
il s'agit
de dispositifs qui donnent directement des informations
binaires combinatoires. Ils sont parfaitement représentés
par la famille des codeurs optiques. Leur concept est très intéressant
puisqu'il s'agit de dispositifs qui peuvent être directement couplés
au système informatique sans la nécessité d'un système
d'amplification puis de conversion analogique numérique. Ce sont des
dispositifs qui possèdent une grande immunité au bruit et sont
peu influencés par des grandeurs parasites.
Dans ce cas S est un code en base 2 en relation linéaire avec E
Capteurs
d'états primaires, secondaires, grandeurs prédictives.
|
Une
autre façon de considérer les capteurs consiste à examiner
leur rôle dans un automatisme industriel.
Grandeurs d'état.
Dans un processus
industriel, on rencontre une (ou des) variable(s) d'état primaire
(c'est la grandeur à contrôler), mais aussi bien souvent des variables
d'états secondaires qui représentent
les états internes du processus. Ce peuvent être des grandeurs
physiques, mais aussi des grandeurs fictives dans un système représenté
par un modèle mathématique.
De plus il
y aura des variables de commande (débit
de matière, puissance, vitesse...) et des grandeurs
perturbatrices parfois. On devra donc posséder des capteurs d'état
primaire, qui sont les capteurs principaux d'une régulation et dont les
caractéristiques métrologiques principales seront la sensibilité
et la précision. Le capteur d'état secondaire complète
l'information sur l'état dynamique
du système. Son information est inutile en régime permanent mais
permet généralement de meilleures performances en
régime transitoire. Et tout expérimentateur avisé
sait que les régimes transitoires ont bien souvent une plus grande importance
(ne serait-ce qu'en durée statistique) que les régimes permanents
(qui n'existent véritablement que dans les systèmes théoriques
vus en cours. Dans la pratique on a généralement affaire à
des régimes que nous qualifierons de "presque permanents").
En outre on
rencontrera parfois des capteurs de grandeurs prédictives
qui apporteront un complément d'information permettant d'anticiper
des aléas de fonctionnement et donc de tenter de les corriger par avance.
Ces 3 catégories
seront illustrées dans les deux exemples classiques ci-dessous.
exemple de régulation
en cascade
Considérons
la régulation en cascade des niveaux de deux réservoirs figurés
ci-dessous.
Fig. régulateur
de niveau en cascade
La grandeur
d'état primaire, celle dont on souhaite contrôler la valeur, est
le niveau L1; celle d'état secondaire est le niveau L2.
L'objectif
est d'obtenir en régime permanent L1 égal
à sa consigne W1. Si les deux régulations possèdent
une action
intégrale, en régime permanent on
a très précisément : W1=M1,
W2=M2.
Si par contre
le régulateur R2 n'est pas doté de ce perfectionnement le régime
permanent correspond à W1=M1 et M2=W2-e, avec e écart résiduel
entre signal de mesure et consigne. Ce qui revient à dire que le capteur
d'état secondaire doit être fidèle mais pas nécessairement
juste à la différence du capteur de grandeur primaire.
échangeur de
chaleur.
Les capteurs
de grandeurs prédictives doivent fournir une information
de tendance de l'évolution ultérieure d'un processus à
partir des grandeurs perturbatrices principales.
Prenons l'exemple
d'un échangeur de chaleur : on souhaite Ts=consigne. On peut considérer
le débit Qf comme une grandeur perturbatrice principale puisque toute
augmentation de Qf provoquera, après un certain temps fonction
de la durée de traversée du fluide dans l'échangeur, une
augmentation de Ts (on suppose dans cet exemple le fluide Qc à une
température inférieure à Ts). Il y aura donc lieu de prévoir
une régulation de tendance qui agira directement sur le débit
Qc dès la variation de Qf et non après mise en évidence
de la variation de Ts d'où le schéma.
Fig. échangeur
de température
Il est à noter que si le signal de réglage de la vanne sortant
du sommateur peut être modifié indifféremment par les régulateurs
R1 et R2, les capteurs à l'origine de ces modifications n'ont pas lieu
de présenter les mêmes caractéristiques. Le capteur de température
C1(grandeur primaire) doit être précis, tandis que le capteur C2
de débit Qf doit seulement être fidèle (c'est à
dire donner la même variation
k2
pour une même variation
Qf
).
- On
peut classer aussi les différents capteurs selon leur rôle
en 6 catégories, dont le développement est chronologiquement
(c'est à dire historiquement)
dans l'ordre ci-dessous. Nous attirons l'attention du lecteur sur cette
chronologie très significative de l'évolution lente des mentalités:
contrôle
de paramètres de fabrication (début du 20ème siècle)
contrôle de qualité de produits en cours de fabrication (années
60)
contrôle de produits finis (id.)
contrôle de combustion (après 1973)
capteurs de sécurité (années 80)
capteurs de grandeurs d'environnement (pollution : années 90)
capteurs de fabrication
Dans un processus
industriel, il y a en général un ensemble de paramètres
qu'il convient de contrôler pour assurer l'optimisation
d'une fabrication (ex: température, pression, composition de l'atmosphère
réductrice...). Dès le début de l'industrialisation on
a pris conscience de ce besoin de contrôle du fonctionnement de l'outil
de production, mais c'est au 20ème siècle, à partir des
années 30 et le développement de l'industrie liée au pétrole
que ces capteurs ont véritablement "décollés".
contrôle qualité
Non seulement
il convient de contrôler le procédé, mais aussi le
produit en cours de fabrication ce qui évitera des mises au rebut.
C'est particulièrement vrai en chimie de synthèse où le
seul contrôle des paramètres du process n'est pas toujours suffisant
pour obtenir le résultat souhaité. Ce sera le domaine privilégié
des capteurs chimiques et biocapteurs. Précisons que si dans les premiers
temps l'objectif du contrôle qualité n'était que d'éviter
la mise au rebut en fin de fabrication, aujourd'hui il est déterminant
dans le respect des certifications ISO 9000 (et au delà).
produit fini
Le produit
fini doit parfois être contrôlé par le biais de procédés
faisant appel à des capteurs ad hoc, en particulier pour soit déterminer
sa bonne qualité, soit, de plus en plus fréquemment, déterminer
à quelle classe de qualité (ou de
tolérance) il appartient.
capteurs de combustion
On les place
dans une catégorie à part, en raison du coût
de l'énergie dans un process, et tout particulièrement
lorsqu'il s'agit d'énergie combustible. Ces capteurs permettent de substantielles
économies d'énergie dans les fours et chaudières. Leur
développement a été subséquent à la crise
pétrolière déclenchée par l'OPEP en 1973.
sécurité
Il va de soi
que, dans certains cas, on devra mettre en oeuvre des systèmes de sécurité
destinés à prévenir d'une anomalie
risquant d'avoir des conséquences dangereuses pour le personnel ou les
installations (on pensera au risque d'incendie, d'explosion, fuite radioactive
ou chimique toxique...) pour lesquels des capteurs spécifiques sont nécessaires.
Notons encore qu'historiquement c'est la préoccupation sécurité
des installations qui a prévalu avant celle des personnels.
environnement
Enfin d'une
façon générale on dispose de capteurs adaptés au
contrôle de l'environnement
(climatologie, pollution de l'air ou de l'eau...). Ici encore l'effet
mondialisation et certification ISO 14000 joue un rôle important dans
le développement des contrôles environnementaux. Notons cependant
qu'il reste beaucoup à faire dans ce domaine et que cette préoccupation
est beaucoup plus visible, et donc effective, dans les unités de production
récentes. Le coût des équipements et leur manque d'ancienneté
(donc de crédibilité parfois) constituent un handicap certain.
Cependant les développements très récents de microcapteurs
(et micro- ou nano-systèmes) à faible coût et l'application
plus stricte des directives européennes devraient induire rapidement
une amélioration de la situation. Certains accidents industriels récents,
en dehors de leur caractère dramatique pour les riverains, ont eu le
mérite de faire prendre conscience à certains, en particulier
les élus locaux, du caractère dangereusement inacceptable de certaines
installations et l'on peut raisonnablement en espérer, à terme,
une meilleure prise en compte des réalités environnementales.