Avant d'entrer
dans le détail des techniques de calcul il semble important de rappeler
quelques notions basiques.
La méthodologie
utilisée ici est issue des documents officiels (Document Technique Unifié
du CSTB) que nous avons simplifiés légèrement pour les
rendre à la fois compréhensibles à tous
et exploitables avec une précision suffisante, c'est
à dire permettant d'en tirer des conséquences pratiques quant
à la nécessité et l'efficacité d'investissements
pour l'amélioration de l'habitat. Notre objectif a été
d'en tirer le meilleur compromis en terme
de rentabilité économique pour notre propre habitat présenté
dans les pages précédentes, mais la méthode est valable
pour tous.
Nous allons
d'abord examiner les principaux postes de déperdition, puis les solutions
permettant de réduire ceux qui sont réellement importants en
terme de coût et enfin il faudra examiner le coût des investissements
afin d'effectuer les choix prioritaires en terme de retour sur investissement.
Nous allons
examiner d'une part les déperditions par conduction, puis celles liées
au renouvellement d'air.
déperditions
par conduction:
Considérons
une paroi standard séparant l'intérieur de l'extérieur
et constituée de 3 matériaux différents
On va noter
avec un indice i les paramètres internes et avec e ceux correspondant
à l'extérieur tandis que les matériaux seront affectés
des indices 1, 2 et 3. Le paramètre clé à déterminer
est le flux de chaleur K exprimé
en watt/m2.°C qui traverse cette paroi composite pour un écart
de température de 1°C entre l'intérieur et l'extérieur.
dans cette relation hi représente
le coefficient d'échange superficiel du côté intérieur,
c'est à dire le paramètre définissant la convection sur
la surface interne, he est
le même coefficient d'échange côté extérieur,
ils s'expriment en watt/°C m2
e1,
e2, e3 sont les épaisseurs respectives des matériaux
1,2 et 3 en mètre.
l1, l2,
l3 sont
les conductivités thermiques de ces matériaux en watt/m°C.
Les différents
termes e/l de cette relation sont des résistances
thermiques. Notons qu'après quelques vicissitudes le coefficient
K s'appelle maintenant U dans certains documents administratifs, R dans les
référentiels de la norme récente HQE (haute qualité
énergétique) et s'exprime en watt/m2K ce qui ne change
strictement rien aux valeurs numériques. Nous conserverons cependant
K comme nos voisins allemands, suisses, belges ou luxembourgeois dans leur concept
de "maison passive" (Passiv Haus).
exploitation
de cette relation
Pour effectuer
l'ensemble des calculs de déperditions il va donc falloir connaître
les l des différents matériaux constituant
les différentes parois de l'habitation, leurs épaisseurs et
bien évidemment puisque la relation précédente vaut pour
1m2, il faudra connaître la surface exacte des différentes
parois donnant sur l'extérieur.
Les termes
en 1/h sont pratiquemment peu dépendants de l'habitat et sont définis
dans un tableau ci-après, de même que nous donnons les valeurs
connues des résistances thermiques des principaux matériaux
de construction.
Ensuite
la procédure consiste à calculer pour chaque type de paroi la
déperdition en tenant compte du coefficient K déterminé
pour ladite paroi, de sa superficie et d'un coefficient t dit de réduction
de température qui vaudra 1 lorsqu'il s'agit d'une paroi en contact
direct avec l'extérieur et sera inférieur à 1 lorsque
la paroi ne sépare pas l'habitat de l'extérieur mais d'une zone
tampon non chauffée (comble, vide sanitaire, garage). Un tableau donne
une estimation de ce coefficient dans les divers cas rencontrés.
La déperdition d'une paroi sera D= t K
S en watts/°C.
Pour les
ouvertures (portes, fenêtres) un tableau donne K et il suffit de connaitre
la surface, alors D = K S
Il faudra
aussi tenir compte des bords, ainsi pour un plancher bas sur un terre-plein
il faudra ajouter des pertes dites linéiques qui s'exprimeront par
D = K P où P est la longueur du
pourtour du plancher et K est le coefficient de déperdition linéïque
donné lui aussi par une table.
renouvellement
d'air
Enfin il
conviendra de déterminer les déperditions dues au renouvellement
d'air. C'est un poste important mais souvent difficile à estimer car
chaque défaut d'étanchéité d'une menuiserie, chaque
conduit de cheminée, chaque bouche d'aération intervient dans
le total en plus éventuellement de la ventilation mécanique
contrôlée obligatoire dans les logements récents. Si on
appelle N le taux de renouvellement d'air en volume par heure, les pertes
seront D = 0.34 N V où V est le
volume chauffé en m3. Fréquemment la VMC représente
un renouvellement de 1 volume par heure et si vos menuiseries sont peu étanches
et que vous êtes dans une zone particulièrement venteuse le coefficient
N peut atteindre 2. On l'estime à environ 0.5 pour une maison bien
étanche, peu ventée et sans VMC.
On aboutira
donc à un tableau tel celui donné ci-dessous à titre
d'exemple:
Pour effectuer
ces calculs voici l'exemple type utilisé. Il s'agit d'une maison individuelle,
située dans une zone où la température extérieure
peut descendre à -10°C. La hauteur sous plafond est de 2.5m et
on a un seul niveau sur un vide sanitaire très ventilé (c'est
à dire non enterré quasiment). Le bâtiment fait 10.2 x
7.1 m2 à l'intérieur et le mur extérieur fait
30 cm d'épaisseur avec 1cm d'enduit ciment, 20cm de briques creuses,
un panneau isolant de 8cm recouvert de 1cm de plâtre
le calcul
montre :
périmètre
intérieur des murs |
(10.2 +7.10)x2 =
34.6 m |
superficie latérale
intérieure |
86.5 m2 |
superficie des fenêtres |
11.88 m2 |
superficie des portes |
1.80 m2 |
superficie intérieure
des murs |
72.82 m2 |
plancher (hourdis
terre cuite+4cm isolant) |
72 m2 |
combles ventilés
(10cm isolant+1 cm plâtre) |
72 m2 |
volume chauffé |
72 x2.5 = 180 m3 |
Ce tableau
nous permet d'examiner chaque poste. Pour les murs par exemple les tableaux
de caractéristiques nous indiquent R = 0.008 pour l'enduit ciment e
= 1cm, R = 0.39 pour la brique creuse de 20 cm, R = 1.95 pour l'isolant de
8 cm et R = 0.03 pour 1 cm de plâtre. Par ailleurs le tableau A nous
indique pour 1/he+1/hi la valeur de 0.17 ce qui conduit à :
1/K = 0.17
+0.008 + 0.39 +1.95 +0.03 = 2.548 soit K = 0.39 W/m2°C
d'où
le tableau final par poste de déperdition
poste
de déperdition |
surface |
coeff
K |
déperdition
D en watt/°C |
%
du total |
murs extérieurs |
72.82 |
0.39 |
28.4 |
13 |
plafond sous comble |
72.00 |
0.38 |
27.36 |
12 |
plancher sur vide
sanitaire |
72.00 |
0.91 |
65.52 |
30 |
fenêtres |
11.88 |
2.60 |
30.89 |
14 |
portes |
1.8 |
3.50 |
6.30 |
3 |
renouvellement d'air |
0.34
x 180m3 |
61.20 |
28 |
total |
|
|
219.67 |
100 |
Ce qui
permet de constater que les deux postes les plus importants sont le renouvellement
d'air et le plancher sur vide sanitaire très ventilé. Sur cet
exemple on voit qu'une réduction de la taille des ouvertures du vide
sanitaire (investissement minime) peut aisément ramener le coefficient
t de 1 à 0.65 ce qui induira une réduction de 35% de la dépense
de chauffage liée aux pertes via le plancher (donc environ 10% sur
la facture globale). Une réduction de la ventilation peut elle aussi
s'avérer très bénéfique sans investissement colossal.
Par contre les autres postes de dépense ne peuvent être réduits
sans gros investissements dont la rentabilité sera évidemment
à très long terme.
Précisons un dernier élément : le coefficient G qui caractérise
le rapport des déperditions au volume habitable, c'est-à-dire
dans l'exemple ci-dessus G = 219.67 / 180 ce qui donne 1.22 ce qui n'est pas
génial. Une telle habitation ne se verra pas décerner le label
Haute Qualité Energétique qui implique un G < 1.
Puissance
à installer
L'estimation
des déperditions, donc des apports de chaleur indispensables, va nous
permettre d'estimer la puissance de chauffe à installer. Il ne faut
tomber ni dans le sur-dimensionnement ni dans le sous-dimensionnement. Connaissant
la température extérieure la plus basse susceptible d'être
régulièrement atteinte Te et la température intérieure
souhaitée Ti la puissance à installer est P
= D (Ti - Te)
Cependant
on pourra tenir compte par exemple qu'il s'agit d'une maison non chauffée
en permanence (ou juste maintenue hors gel) si c'est une résidence
secondaire et qu'il faudra alors prévoir une surpuissance pour assurer
une montée en température rapide le week-end. Dans ce cas, on
pourra multiplier la puissance installée par un coefficient 1.5.
Je recommande
de prendre, même pour une maison chauffée en permanence, un coefficient
de sécurité de 15 à 25% car il faut bien noter que les
calculs précédents ne sont qu'une estimation et qu'ils ne tiennent
absolument pas compte des habitudes des occupants de la maison, lesquelles
peuvent entraîner un accroissement sensible
des besoins (ou parfois, mais beaucoup plus rarement, l'inverse).
Estimation
de la consommation annuelle
Les conditions
climatiques de la région où se trouve votre habitat vont évidemment
avoir une grande influence sur la consommation d'énergie. En se basant
sur les statistiques des années 1960 à 1980, les organismes
habilités ont pu définir ces conditions qui sont précisées
dans la notion un peu abstraite de "degrés-jours", c'est-à-dire
d'une moyenne de l'écart entre la température intérieure
souhaitée et celle extérieure. On peut, connaissant cette donnée,
faire une estimation de la perte d'énergie annuelle d'une maison en
exploitant la relation suivante :
dans laquelle E est l'énergie perdue en kwh, G le coefficient volumique
de déperditions thermiques vu ci-avant, H nombre d'heures pendant lequel
le chauffage est en marche par jour, V le volume chauffé en m3,
DJU le degré-jour tel que défini
sur la carte pour votre région.
Si vous
avez un chauffage électrique, donc de rendement sensiblement 100%, la
consommation est égale à E. Si votre chauffage est au fuel et
est neuf (ou très bien entretenu) son rendement est de 70% et l'énergie
dépensée sera donc E/0.7 soit environ 1.3E. Mais n'oubliez pas
qu'un chauffage mal entretenu voit son rendement décroître rapidement
et peut n'atteindre que tout juste 40%.
En regardant
plus finement les choses on peut estimer non le degré-jour annuel mais
mois par mois. C'est ce que nous avons utilisé
pour estimer la consommation de notre prototype de maison solaire passive
dans le chapitre précédent. Précisons cependant que ce
ne sera qu'une approximation si elle est
basée sur les statistiques des stations officielles de météorologie.
Il est vraisemblable que votre maison ne se trouve pas au milieu d'un aéroport
(les stations météo de Météo-France sont destinées
en premier lieu à fournir des informations aux avions et donc, à
quelques exceptions près, systématiquement placées sur
les aéroports). Il est certain qu'il peut y avoir des variations microclimatiques
locales très importantes qui feront que votre calcul ne peut qu'être
approximatif et même parfois grossièrement erroné. L'idéal
serait de disposer de statistiques d'une station météo placée
sur votre terrain ( et bien placée pour que ses données soient
significatives, ce qui n'est pas du tout évident si j'en crois ma longue
expérience de la microclimatologie scientifique : j'ai eu jusqu'à
7 capteurs sur mon propre terrain pour obtenir une telle information significative).
En outre rappelons que le tableau
ci-dessus est basé sur des statistiques déjà anciennes
et que le réchauffement climatique dont on nous rebat les oreilles est
une réalité bien plus dramatique à moyen terme
(dix ans) que ne nous laissent croire les média. Mais réchauffement
de la planète ne signifie pas réchauffement homogène en
tout point, cela signifie des périodes plus chaudes mais surtout des
variations brutales du temps avec des tempêtes de plus en plus violentes
: donc n'oubliez pas que vos verrières côté des vents dominants
doivent supporter des vents à plus de 250km/h, sinon dans quelques années
vous aurez de très gros déboires. Par ailleurs il se peut que
ce dérèglement climatique induise une disparition ou une forte
modification du gulf stream et de l'anticyclone des Açores ce qui aurait
comme conséquence un sensible refroidissement des côtes
atlantiques et de la Manche, et une pluviométrie accrue dont on ne peut
présager l'importance à moyen terme.
Les
tableaux de référence
tableau
A terme 1/he + 1/hi
sens du flux de chaleur |
vers l'extérieur |
vers un local non chauffé |
à travers un mur (horizontal) |
0.17 |
0.22 |
vers le haut (plafond) |
0.14 |
0.18 |
vers le bas (plancher) |
0.22 |
0.34 |
tableau
B résistances thermiques de matériaux courants en fonction de
leurs dimensions
brique pleine |
e(cm) 5.5 |
10.5 |
21.5 |
33 |
|
|
|
|
R 0.05 |
0.09 |
0.20 |
0.30 |
|
|
|
brique creuse |
e (cm) 5 |
7.5 |
10 |
12.5 |
15 |
17.5 |
2. |
|
R 0.10 |
0.16 |
0.20 |
0.27 |
0.30 |
0.33 |
0.39 |
béton banché |
e (cm) 10 |
15 |
20 |
25 |
|
|
|
|
R 0.06 |
0.09 |
0.12 |
0.15 |
|
|
|
enduit : |
e (cm) 1 |
1.5 |
|
|
|
|
|
plâtre |
R 0.03 |
0.04 |
|
|
|
|
|
ciment |
R 0.008 |
0.01 |
|
|
|
|
|
pierre: |
e (cm) 40 |
45 |
50 |
55 |
|
|
|
granite |
R |
0.12 |
0.14 |
0.16 |
|
|
|
calcaire |
R 0.28 |
0.33 |
0.35 |
0.38 |
|
|
|
parpaings creux |
e (cm) 7.5 |
10 |
12.5 |
15 |
17.5 |
20 |
22.5 |
|
R 0.07 |
0.09 |
0.10 |
0.14 |
0.16 |
0.19 |
0.24 |
hourdis : |
e (cm) 8 |
12 |
16 |
20 |
25 |
30 |
|
béton |
R |
0.11 |
0.13 |
0.15 |
0.25 |
0.28 |
|
terre cuite |
R 0.11 |
0.14 |
0.23 |
0.26 |
0.35 |
0.40 |
|
isolant |
e (cm) 4 |
6 |
8 |
10 |
|
|
|
|
R 0.97 |
1.46 |
1.95 |
2.44 |
|
|
|
carreau de plâtre |
e (cm) 5 |
7 |
|
|
|
|
|
|
R 0.14 |
0.20 |
|
|
|
|
|
lame d'air non ventilée |
e (mm) 5 à7 |
7 à 9 |
9 à 11 |
11 à 13 |
14 à 24 |
25 à 50 |
>50 |
|
R 0.11 |
0.13 |
0.14 |
0.15 |
0.16 |
0.16 |
0.16 |
tableau
C valeur du coefficient de réduction de température t
sous sol sans isolation |
|
|
|
coef K du plancher |
0.55 |
1.30 |
2.75 |
peu enterré, peu ventilé coef
t |
0.85 |
0.75 |
0.60 |
ventilé |
0.90 |
0.80 |
0.65 |
très enterré, peu ventilé |
0.55 |
0.35 |
0.20 |
ventilé |
0.65 |
0.45 |
0.30 |
vide sanitaire |
|
|
coef K du plancher |
0.55 |
1.30 |
2.75 |
ventilation nulle |
0.70 |
0.50 |
0.30 |
très faible |
0.75 |
0.55 |
0.35 |
faible |
0.85 |
0.70 |
0.50 |
forte |
1 |
1 |
1 |
comble sans isolation sous
toiture |
|
|
coefficient K du plancher |
0.60 |
1.40 |
2.60 |
ventilation forte |
1 |
1 |
1 |
faible |
0.95 |
0.90 |
0.85 |
très faible |
0.95 |
0.85 |
0.75 |
tableau
D coefficient K des portes et fenêtres
description |
menuiserie |
coef K sans volets |
coef K avec volets |
fenêtre simple vitrage |
bois |
5 (en W/m2°C) |
3.7 |
|
métal |
5.8 |
4.2 |
double vitrage (5 à 7 mm air) |
bois |
3.3 |
2.6 |
|
métal |
4.0 |
3.1 |
double vitrage (7 à 9 mm) |
bois |
3.1 |
2.5 |
|
métal |
3.9 |
3.0 |
porte opaque |
bois |
3.5 |
|
|
métal |
5.8 |
|
porte simple vitrage |
bois |
4.5 |
|
|
métal |
5.8 |
|
porte double vitrage |
bois |
3.3 |
|
|
métal |
4.8 |
|

isolation
thermique et réglage automatique des installations de chauffage dans
les batiments d'habitation, 10 avril 1974, Journal Officiel.
idem
(additif), 13 juillet 1977, Journal Officiel.
Actes
du Colloque Architecture climatique, Collioure, ed du plan Construction,
Paris, mai 1979.
Cahiers
de l'AFEDES
G. Peri,
Cours d'héliotechnique à l'usage des professionnels du bâtiment,
Université de Provence
P. Audibert,
les énergies du soleil, Edition du Seuil, 1978.
Th. Cabirol
& al., le chauffe-eau solaire, Edisud, 1978.
http://www.ademe.fr/particuliers/fiches/isolation_thermique/rub4.htm