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Introduction à l'automatique : asservissements (3/3)

microbalance de torsion expression de la sensibilité
le servomécanisme description et étude
la stabilité les résultats
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Afin d'illustrer la notion d'asservissement nous allons décrire la réalisation d'une microbalance de torsion électroniquement asservie, dispositif réalisé dans les années soixante au laboratoire de physique électronique de l'INSCI Rouen par J. Gouault et M. Hubin, mais qui présente de nombreux intérêts pédagogiques.
Position du problème

Le problème qui s'est posé à de nombreux chercheurs en physique des solides, dans les années soixante, était de déterminer en continuité la masse d'un dépôt, réalisé dans une enceinte sous vide, en vue d'en extraire l'un des paramètres essentiels de la technologie des couches minces, à savoir l'épaisseur équivalente du dépôt, liée par une relation géométrique à ladite masse. La mesure de masse étant l'une des opérations fondamentales du physicien, ce problème a été abondamment étudié et, dans la littérature, nous avons pu identifier plus de 50 microbalances classées en 5 grandes catégories:
  • les balances de flexion constituées d'un bras horizontal fixé en une extrémité et qui fléchit sous l'effet d'une charge placée à l'autre extrémité.
  • les balances à ressort spiral consistant en une variante plus sensible du type précédent et constituée le plus souvent d'un ressort de quartz s'étirant sous la charge.
  • les balances à couteaux, dérivées des balances analytiques classiques, peu précises et inadaptées au milieu de vide.
  • les balances à pivots, trop fragiles
  • les balances de torsion admettant des charges supérieures à celles à ressort de quartz, mais cependant aussi fragiles et souffrant des mêmes inconvénients, à savoir une sensibilité aux vibrations et à la température.
Ce dernier type présente cependant l'avantage de pouvoir fonctionner en méthode de zéro ce qui est toujours un gage de grande précision. On compense en effet la déflexion due à la charge par une force de type magnétique ou électromagnétique donc aisément modulable. Compte tenu de l'objectif visé ici, mesure de très faibles masses dans le domaine des microgrammes, nous avons choisi une compensation électrostatique qui met en jeu des forces éventuellement très faibles, mais permet un asservissement à stabilité de zéro.

principe de fonctionnement

Le schéma de la microbalance est représenté sur la figure

1 fil de torsion en tungstène 20µm de diamètre
2 fléau en quartz, longueur 6mm, diamètre 1.5mm
3 miroir de mise en position
4 fil de suspension en quartz
5 plateau de réception du dépôt en mica
6 plaque de platine portée à V variable
7 armatures de platine portées à V1 et V2 fixes
8 roue d'équilibrage
10 lame de platine perpendiculaire au champ B pour l'amortissement
11 ressort de tension
12 support en quartz


La microbalance est utilisée en appareil de zéro. La position horizontale du fléau est prise comme position de référence. En l'absence de charge sur la nacelle, le torseur des forces de poids du système et du couple de torsion du fil de tungstène est équivalent à zéro pour la position horizontale d'équilibre.

La plaque médiane doit être portée à un potentiel égal à celui qu'elle prendrait par influence si elle était isolée. Celui-ci est évidemment V0=(V1+V2)/2 puisqu'elle se trouve à mi distance des deux armatures rectangulaires (situation qui sera implicite dans la suite de l'exposé).

Lorsqu'une masse m' est déposée sur la nacelle, l'équilibre est maintenu par l'action compensatrice de la résultante des forces électrostatiques Fz s'exerçant sur la plaque médiane de surface S en la portant à un potentiel judicieux V. Nous avons la relation

mgl1 + Fzl2 = 0, où l1 et l2 sont les longueurs des bras du fléau. Si e est la distance entre les plaques rectangulaires et z celle entre l'armature inférieure et la plaque mobile supposée s'être légèrement déplacée (suffisamment peu pour qu'on puisse considérer qu'il s'agit d'une translation) nous obtenons V = V0 +V et z = dz + e/2 soit


On peut alors montrer qu'en méthode de zéro la variation de potentiel réalisant la compensation s'exprime par


expression de la sensibilité

Pour une charge donnée m, la sensibilité s'exprime comme le rapport de l'angle de rotation d du fléau à la masse dm de la surcharge déposée = d/dm


Lorsque le fléau est horizontal, le poids du fléau est appliqué en G (cf figure ci-dessus). Sous l'action d'une surcharge dm, il subit une déviation d et le poids de la nacelle et de sa charge est appliqué en O'1 tandis que la force électrostatique est appliquée en O'2. Dans ces conditions la sensibilité s'exprime par la relation


où M est la masse du fléau, m' celle de la nacelle, k la constante de torsion du fil de tungstène,

On peut remarquer que l'on peut agir sur la sensibilité en modifiant b c'est à dire en déplaçant la lame 10 ou en modifiant la différence de potentiel V1-V2. Il est aussi notable que la variation de la charge entraine une variation de la sensibilité sans que l'on puisse dire a priori quel sera le sens de cette variation puisqu'il dépendra des divers coefficients numériques de l'équation.


description du servomécanisme

La figure en donne le schéma


La position horizontale est prise comme position de référence. Un système optique donne d'une fente f éclairée par une source S une image se formant sur la double cellule photo-résistante. Lorsque le fléau est horizontal les deux cellules sont également éclairées, aucune tension n'apparait à la sortie du pont de détection. Lorsqu'il dévie, par suite d'un dépôt sur la nacelle, les deux cellules sont inégalement éclairées, leurs résistances sont alors différentes et une ddp apparait à la sortie du pont. Celle-ci est amplifiée et démodulée, puis la tension résultante est appliquée aux bornes de l'induit du servomoteur. Celui-ci au cours de sa rotation entraine le curseur d'un potentiomètre P. La tension fournie par le curseur du potentiomètre est communiquée à la plaque médiane de la microbalance (en série avec l'enroulement tachymétrique du moteur lequel joue un rôle dans l'amélioration des performances) et la force électrostatique en résultant tend à équilibrer le poids du dépôt en cours de formation.

[ rappel : un enroulement tachymétrique dans un moteur est un enroulement qui va générer une tension proportionnelle à la vitesse de rotation du moteur, ce qui se traduit donc ici par une anticipation de la compensation]

Lorsque le dépôt a cessé de se produire et que le régime transitoire a pris fin, le fléau a repris sa position horizontale et le potentiel de la plaque médiane reste fixé à V0+V0. La mesure de V0 permet de connaitre la masse déposée.

étude théorique de l'asservissement

Le diagramme fonctionnel du système asservi est le suivant


On remarquera que l'entrée demeurant constante le système fonctionne en régulateur. Nous allons établir la fonction de transfert globale sans tenir compte des éventuels correcteurs C1 et C2 en procédant par étapes. Nous utiliserons pour la transformée de Laplace d'une variable f la notation La cellule détecte l'écart de position = x0-x, l'amplificateur A2 délivre à sa sortie une tension U. En admettant une constante de temps égale à T1, il vient en transformée de Laplace Le moteur est un moteur Brion-Leroux, à excitation indépendante par aimant permanent, dont l'induit reçoit la tension U. L'axe du moteur portera un disque d'aluminium subissant un freinage par courants de Foucault. Appelons J le moment d'inertie de l'ensemble tournant par rapport à l'axe de rotation; f'' le coefficient d'amortissement; kiI le couple moteur pour un courant d'induit I; Kd/dt la fem prenant naissance dans l'induit; angle de rotation du moteur; R résistance de l'induit.

Equation dynamique

Equation électrique

En transformées de Laplace les équations deviennent soit posons avec > 1
et JR/kiK = T on obtient

L'effet de l'amortissement se traduit par une diminution de la constante de temps et du gain du système moteur. Le moteur entraîne le curseur d'un potentiomètre.
On peut poser l est le déplacement linéaire du curseur lui même proportionnel à , on a l = k'3 on peut donc écrire que V est proportionnel à soit finalement En rassemblant les éléments précédents il vient :

et considérons : (1) Soient I le moment d'inertie de la balance par rapport à son axe de rotation; f le coefficient d'amortissement; l'angle de rotation supposé petit; V+ldV/dt la somme des tensions délivrées par le curseur du potentiomètre et l'enroulement tachymétrique. L'équation différentielle du mouvement du fléau s'exprime par

Dans l'expression de Fz nous négligerons le terme 4V2 devant (V1-V2)2 puisque expérimentalement nous opérerons avec V petit devant V1-V2. On a dz = l2



à l'équilibre à vide, nous avons : on va donc pouvoir simplifier l'expression du moment des forces extérieures en posant soit

En transformée de Laplace, en posant x = K1 on obtient

en introduisant un terme B2(p) et un autre C(p) on pourra écrire que (2) (3)

Pratiquement la chose importante est de savoir comment à une masse m déposée brusquement où à une masse m variant linéairement avec le temps (dépôt à vitesse constante) le système asservi répond par la valeur de V ou par la déviation x du spot sur la double cellule.

Comme l'entrée est constante (x0 = 0) on a en exploitant les équations (1) (2) et (3) on va pouvoir écrire

On remarque que pour l'état statique (m = constante) correspondant à t infini (ou p = 0) on a x = 0 et V0 = -gl1m/k2 ce qu'on avait démontré au début.


étude de la stabilité

Le système est stable si les racines de l'équation caractéristique 1+KG(p) = 1+ B1(p)B2(p)C(p) = 0 ont leur partie réelle négative. Il est cependant difficile d'aller plus loin dans les calculs car les valeurs numériques de tous les coefficients mis en évidence dans le paragraphe précédent ne sont pas toutes connues. On utilisera donc le critère du revers et le tracé expérimental du lieu de Nyquist. En pratique on fera une coupure entre la sortie de l'enroulement tachymétrique et la plaque mobile.

On appliquera à la plaque une tension Ve = V0cost et on récupérera V0 |KG(p)|cos(t+) en sortie de l'enroulement

On pourrait d'ailleurs découper le système en deux blocs, l'un B1 et l'autre constitué de B2 et C, et étudier séparément leur réponse en boucle ouverte. On verrait ainsi que B1 est un élément ayant une fonction de transfert représentée par la courbe 1 tandis que l'ensemble B2-C correspondrait à une courbe du type 2.

courbe1: B1(jw) courbe 2 : B2(jw)C(jw)

En examinant les divers termes de KG(p) on constate que dans B1(p) il y a une intégration, le système n'aura donc pas d'erreur de position, cependant il aura une erreur de trainage ce qui n'est pas très satisfaisant puisque l'objectif de cette microbalance est de fournir en temps réel la valeur de la masse déposée (c'est à dire pendant le dépôt de la couche mince) afin de permettre l'arrêt du processus d'évaporation dès lors que la masse déposée correspond à celle que l'on voulait très exactement déposer. En outre la figure 1 laisse présager une instabilité du système. Il importe donc d'éliminer ou de réduire au mieux cette erreur de trainage en introduisant un correcteur de type intégro-dérivateur ou en augmentant l'amortissement f''de la balance ce qui implique une augmentation de l'intensité du champ d'induction B (ou en faisant les deux).


Nous donnons ci-dessus les courbes expérimentales complètes avec et sans correcteur montrant comment nous avons obtenu un système stable en intégrant un correcteur très efficace autour de la fréquence de résonance du système instable, en l'occurence 0.7Hz, dont les caractéristiques sont figurées ci-dessous.


Conclusion : Cet exemple d'asservissement est typique : après pas mal de réflexion, on arrive à identifier l'ensemble du système et à le mettre en équation, mais il est impossible d'aboutir à l'expression numérique parce que plusieurs coefficients sont inconnus. L'expression mathématique de la fonction de transfert ne permet alors que de constater l'ordre du dispositif (combien d'intégrations?) et d'imaginer sur quels paramètres (connus et aisément modifiables) on va devoir (ou pouvoir) jouer si le système imaginé n'est pas satisfaisant en terme de performances et éventuellement l'adjonction de quel type de correcteur est prévisible. Mais c'est l'expérimentation seule qui permet de valider ces hypothèses.
Il est bon de savoir que pour tracer aisément le lieu de Nyquist il existe des appareils appelés transféromètres permettant de générer le signal V0cost et de mesurer la phase et l'amplitude résultantes à l'autre bout de la coupure (ou en tout point accessible du système en boucle ouverte) sur une plage étendue de fréquences (d'une fraction de Hertz à quelques centaines de KHz si besoin est).



J. Gouault, Etude d'une microbalance pour l'ultra-vide, Journal de physique appliquée, 24 (1963) pp 165A-172A

M. Hubin, Etude et réalisation d'une microbalance asservie et de régulateurs en température de quartz vibrant, Thèse de Docteur-Ingénieur, Rouen, 9 juin 1967.

J.A. Poulis, J.M. Thomas, Vacuum Micobalance Techniques, Plenum Press,Vol 3, 1963.

W. Niedermayer & al., Neue Torsions Mikrowaagen für das Hochstvakuum, Vakuum Technik, 3 (1962), pp 30-

F. Milsant, asservissements linéaires, tome1: analyse, Eyrolles, (Paris), 1971.