mesure
de température de surface
Problème
posé
Dans un certain nombre de cas, on s'intéresse non à la température
interne d'un matériau, mais à la température limite
en surface.
C'est notamment
le cas, en milieu hospitalier, lorsqu'on désire effectuer une
thermographie cutanée, en vue de détecter des thrombose
ou sténose de la carotide ( à partir d'une mesure de la température
en divers points du front), ou constater la présence d'une tumeur sous
cutanée (cancer du sein par ex), ou encore déceler la reconstitution
du système sanguin autour d'une fracture en voie de consolidation (essentiel
pour les sportifs de haut niveau). Précisons l'intérêt pour
le patient de la thermographie cutanée, il s'agit d'une technique non
traumatisante, à la différence des méthodes par scanner,
ou par scintigraphie (qui nécessitent l'injection d'un
produit radioactif dans le système sanguin pour rendre visible le réseau
et la circulation sanguine) et nécessitant un matériel sensiblement
moins coûteux que les méthodes Doppler.
Ce peut
aussi être le cas lorsqu'on veut connaître l'état
de polymérisation d'une peinture ou d'un vernis en vue d'optimiser
économiquement un processus industriel.
Un autre
exemple est celui de la connaissance des températures
de surface d'un vitrage, paramètres essentiels à déterminer
lors du bilan thermique d'une habitation (et en raison des caractéristiques
de transparence et de réflexion du verre il est totalement exclus d'utiliser
une caméra IR pour cette détermination).
méthodes classiques de mesure d'une température de surface
Parmi les
méthodes actuellement utilisées on trouve des méthodes
par contact direct à l'aide d'éléments thermosensibles,
des méthodes indirectes par extrapolation, ainsi que des méthodes
de mesure à distance.
thermographie
infrarouge
Cette méthode
consiste à mesurer à distance le rayonnement infrarouge émis
par la surface dont on veut connaître la température. Ce rayonnement
dépend effectivement de la température superficielle, mais aussi
de l'état de la surface, de sa nature et de son facteur d'émissivité
lui-même dépendant de l'angle d'émission.
L'évaluation
de la température de surface par cette méthode introduit une erreur
systématique lors dela mesure. Cependant elle permet de dresser une carte
thermique étendue, sans nécessiter de contact. Mais elle ne s'applique
pas aux surfaces transparentes,et tout particulièrement aux surfaces
vitrées.
thermographie
micro-ondes
Son principe
est fondé sur la détection des ondes électromagnétiques
d'origine thermique, rayonnées par la matière. Cette méthode
présente l'inconvénient majeur de ne pas se limiter à une
zone superficielle, mais intervient dans une tranche trop épaisse, à
la frontière du milieu matériel considéré. En outre,
les ondes électromagnétiques porteuses de l'information sont de
faible amplitude et très bruitées ce qui ccomplique l'extraction
fiable de la température superficielle.
mesure
par extrapolation
Cette mesure
est basée sur le fait que la température de surface peut être
considérée comme la limite de la température au sein du
milieu matériel lorsqu'on tend vers la frontière avec le milieu
ambiant.
On insère
des éléments thermosensibles miniatures à très faible
capacité calorifique au sein du milieu matériel et à différenes
profondeurs, ce qui permet d'évaluer la variation du champ thermique
selon la normale à la surface. L'extrapolation de ce champ jusqu'à
la surface donne la température du point P situé en surface.
Cette méthode
correcte a priori, mais inutilisable en pratique médicale ou industrielle
est cependant utile pour fournir une surface étalon permettant l'étalonnage
ou la comparaison avec les procédés par contact direct.
application
de cristaux liquides
C'est une
technique qui consiste à plaquer sur la surface testée une membrane
à cristaux liquides. Ces derniers voient leur structure se modifier en
fonction de la température ce qui se traduit par une variation de la
composition spectrale de l'onde réfléchie, donc un changement
de coloration en surface.
Cette méthode
est peu coûteuse et donne une vue d'ensemble de la carte thermique. Malheureusement
elle ne fournit qu'une image approximative du thermogramme car l'application
de la membrane sur la surface modifie nécessairement sa température.
Elle est couramment utilisée en milieu médical en particulier
pour examiner la revascularisation autour d'une fracture en voie de consolidtion.
sonde
thermométrique
La plus classique
est la sonde aiguille dont l'extrémité comporte un élément
thermosensible, mais on peut aussi exploiter le rayon réfléchi
en extrémité d'une fibre optique mise en contact avec la surface.
L'inconvénient majeur de ces sondes passives de contact résulte
de la perturbation thermocinétique qu'elles introduisent au niveau du
contact, ce que l'on va examiner de manière approfondie ci-dessous.
Difficultés
de la mesure
Beaucoup d'utilisateurs imaginent d'employer une sonde, dite de contact, de
faibles dimensions pour réaliser une mesure de température de
surface, et divers industriels commercialisent de telles sondes pourtant scientifiquement
inopérantes.
Cela est complètement
illusoire en raison :
- d'une
part, du gradient thermique très important
au voisinage de la surface lorsque celle-ci est à une température
Ts différente de la température ambiante Ta,
dont il résulte généralement que l'élément
sensible de la sonde, aussi petit soit-il, n'est pas bidimensionnel et donc
ne présente macroscopiquement qu'une zone extrêmement réduite
au contact de la température Ts à mesurer. Notons
que si la surface est à une température supérieure
à l'ambiante le bon sens nous incite à penser qu'il y a une
source thermogène en arrière de la surface dont la température
est sensiblement supérieure à celle de la surface.
- et d'autre
part, à l'échelle microscopique on imagine aisément
que la zone de contact résultant de
l'état des surfaces respectives du matériau test et de la
sonde est encore plus réduite (typiquement quelques points).
- en conséquence
l'élément thermosensible prendra généralement
une température intermédiaire
entre la température ambiante et la température préexistante
à la surface à mesurer, et il y a une forte probabilité
pour qu'en outre un transfert thermique s'établisse entre la sonde
et la surface modifiant alors la température de celle-ci et
faussant donc irrémédiablement toute mesure. Précisons
qu'il est d'ailleurs très difficile de deviner a priori dans quel
sens sera la variation de Ts puisque l'on ignore la superficie
exacte de la zone de contact et donc l'importance relative des échanges
qui vont être pertubés. En effet aux points de contact on peut,
en supposant que Ts>Ta, imaginer que la surface
va perdre de la chaleur vers la sonde ce qui devrait conduire à une
diminution de Ts mais simultanément la surface qui n'est
pas en contact mais très proche de la sonde empêche les déperditions
par convection dans l'air ambiant. Ce qui aurait donc pour conséquence
a priori d'augmenter la température de la surface. Lequel de ces
deux phénomènes contradictoire va l'emporter? C'est complètement
aléatoire, et la seule chose que l'on puisse affirmer c'est que la
probabilité pour que la sonde, aussi petite soit-elle, donne une
information correcte, est voisine de zéro.
L'élément
thermosensible, pour des raisons pratiques doit être inséré
dans un support pour pallier à sa faible résistance mécanique.
Ce support contribue à la perturbation de la surface parce qu'il
introduit une capacité calorifique qui n'est pas nulle.

Ainsi
que le montre la figure ci-dessus, lorsqu'on applique la sonde sur la surface,
les lignes de courant thermique qui initialement étaient parallèles
entre elles et perpendiculaires à la surface vont être modifiées
selon un effet dit de macroconstriction. Ce régime transitoire va
durer un certain temps pendant lequel la température superficielle,
initialement Tsi va dériver vers une nouvelle valeur Tsf,
différente à la fois de Tsi et de la température
finale de l'élément thermosensible.
La sonde
est laissée au contact de la surface jusqu'à obtention d'un
régime quasi stationnaire, où un transfert permanent d'énergie
a lieu entre la sonde et la surface. Ce dernier est caractérisé
par une densité de flux thermique F proportionnelle à la différence
de température entre la sonde et la surface.
Tsf
- Tthf = Rc F
La constante
de proportionnalité Rc est appelée résistance
thermique de contact. On voit que pour une densité de flux thermique
donnée, l'indication finale de la sonde sera d'autant plus éloignée
de Tsf que Rc sera grande. Cette résistance
thermique de contact dépend de nombreux paramètres :
caractéristiques thermiques des milieux considérés |
épaisseur de la zone intersticielle
et sa configuration |
état microscopique des deux surfaces en contact |
aire des surfaces |
pression et durée du contact |
Il y a donc une erreur systématique dans ce principe de mesure.
Sonde de contact thermorégulée
En 1968, l'équipe de recherche alors dirigée par le Professeur Jean
Gouault et basée à l'INSCIR, aujourd'hui l'INSA de Rouen, et actuellement
dénommée PSI, a mis en évidence, en cherchant à
déterminer la cartographie de la température frontale d'un patient,
un phénomène d'échange thermique susceptible de conduire
à une procédure de mesure à l'aide d'une sonde de température
thermorégulée [GOU68], mais ce n'est que dans les années
90 qu'un thésard de mon équipe a pu réaliser un prototype
d'usage général [Chadli 93].
Considérons
une sonde comportant à son extrémité une thermistance thermorégulée
à une température Ti grâce
à un élément chauffant à température Tr
incorporé dans le corps de sonde tel que figuré ci-dessous.
Examinons
le comportement d'une telle sonde, lors d'un contact avec une surface à
température initiale Ts, pour diverses conditions initiales.
Fig.
comportement d'une sonde thermorégulée
Si
la température initiale de la sonde Tio est inférieure
à celle de la surface, son évolution lors d'un contact prolongé
est de type exponentiel (fig. a) conduisant en un temps théoriquement
infini (et pratiquement supérieur à la minute) à une température
d'équilibre inférieure à celle de la surface qui restera
donc inconnue. Ainsi que le montre la figure la température d'équilibre
sera d'autant plus proche de Ts que la température initiale
de l'extrémité de sonde sera proche de Ts, ce que le
bon sens pouvait prédire. A la limite si la sonde était régulée
à Ts il ne se passerait rien et la température finale
serait Ts, malheureusement on ne connait pas Ts donc il
est peu probable que ce cas idéal se produise.
Supposons
que cette température initiale de l'extrémité de sonde
Ti3 soit supérieure à la température
de la surface Ts. Lorsqu'on applique cette sonde sur la surface on
constate l'évolution figurée en (fig. b) c'est à dire un
processus extrêmement rapide conduisant en 1s environ à
un pic inversé Tp3 suivi d'un lent réchauffement comme
dans le cas précédent.
Le
phénomène essentiel que l'on va exploiter est ce pic, obtenu en
moins d'une seconde,
et dont la valeur est liée à Ti3 et Ts selon
la relation, démontrée expérimentalement dans une première
phase de la recherche, puis théoriquement ensuite dans le cadre d'une
coopération avec le laboratoire de Thermique du CNAM (Paris)
Ti3-Ts
= K(Ti3 - Tp3)
dans
laquelle le facteur K est un facteur d'échelle
caractéristique de la nature des surfaces
en contact et de la qualité du contact (caractéristiques
thermophysiques du milieu), mais indépendant des
températures (et nous verrons dans la suite que cette indépendance
est d'un grand intérêt pratique). Précisons qu'il est inutile
de prolonger le contact dès lors que le pic inversé a été
atteint, on dispose donc d'un procédé de mesurage rapide.
Les
courbes ci-dessous précisent l'importance de certains paramètres
dans le résultat
On notera que la valeur de la température de régulation ainsi
que de la résistance de contact n'ont aucune influence sur le temps d'obtention
du pic. Par contre la distance entre l'élément chauffant et l'élément
de mesure en a une, plus celle-ci est importante et plus le pic est tardif,
mais son amplituude est quasiment indépendante de cette distance.
Pour
une sonde donnée, dont la pression de contact est calibrée (via
un ressort), le coefficient K devient alors spécifique de la surface.
Des travaux de modélisation théoriques et expérimentaux
ont permis de maîtriser les paramètres dont dépend ce coefficient
et d'élaborer une sonde à usage cutané dans laquelle K
vaut sensiblement 0.2.
On notera que le corps de sonde de diamètre 20 mm est réalisé
en altuglas (matériau facile à usiner et thermiquement peu conducteur),
que l'élément chauffant (zone Tr) est constitué
d'une résistance en fil de constantan bobinée autour d'un bloc
de cuivre dont la température est détectée à l'aide
d'une thermistance perle. C'est la température de la thermistance qui
sera régulée à mieux que 1/20°C. Il en résultera,
dans des conditions thermiques stables, une température d'équilibre
initial Ti pour l'extrémité de la sonde constituée
de la soudure chaude d'un thermocouple Cu/constantan et située à
environ 2 mm de la zone régulée, afin d'optimiser la constante
de temps de la réponse.
Remarquons que si la température de régulation est connue a
priori (puisque choisie par l'opérateur), la température résultante
Ti ne l'est pas, puisqu'elle dépend aussi de la température
de l'air environnant, laquelle peut évoluer d'un moment à un autre.
Notons que pour améliorer la qualité du contact la soudure chaude
du thermocouple est constituée d'une pastille d'argent de 35µm
d'épaisseur et 1mm de diamètre.
En outre pour simplifier la connectique la compensation de soudure froide du
thermocouple est intégrée dans la sonde et fixée arbitrairement
à 50°C, et réalisée selon le même principe que
le bloc chauffant à Tr. Ainsi l'ensemble des fils sortant de la sonde
pourront être fixés sur un connecteur standard intégré
à la sonde évitant le risque de rupture d'un fil.
La
pratique hospitalière a montré que pour obtenir des résultats
fiables il fallait respecter un protocole de mesurage
strict. L'association d'un microsystème informatique assure le
respect impératif de ce protocole en assurant le contrôle de la
régulation, la détermination de la température de consigne
Ti, le respect de l'obligation de n'assurer la mise en contact de
la sonde avec la surface (pour une énième mesure) que lorsque
la température de l'extrémité de sonde est revenue égale
à Ti calculée initialement, l'acquisition des températures
selon un processus d'échantillonnage avec détection du pic (par
détermination du changement de signe de la dérivée) et
enfin le calcul de Ts à partir de la relation précédente.
Afin
d'avertir l'opérateur que la température Ti est atteinte
(et qu'il peut donc procéder à un contact conduisant à
une mesure valide), que le pic est enregistré (et qu'il n'est plus utile
de maintenir la sonde en contact avec la surface) ou que la mesure est incorrecte
(parce que l'opérateur a exercé le contact alors que la température
initiale n'était pas correcte, c'est à dire égale à
Ti à 1/20°C près) un ensemble d'alarmes sonores
est évidemment prévu.