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version initiale 2002
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dernière mise à jour
22 mars 2013

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capteurs de température

sixième partie (6/7)

problème posé
la thermographie
les méthodes classiques
sondes de contact?
difficultés de la mesure
la macroconstriction
sonde de contact thermorégulée
un phénomène inédit
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mesure de température de surface

Problème posé

Dans un certain nombre de cas, on s'intéresse non à la température interne d'un matériau, mais à la température limite en surface.

C'est notamment le cas, en milieu hospitalier, lorsqu'on désire effectuer une thermographie cutanée, en vue de détecter des thrombose ou sténose de la carotide ( à partir d'une mesure de la température en divers points du front), ou constater la présence d'une tumeur sous cutanée (cancer du sein par ex), ou encore déceler la reconstitution du système sanguin autour d'une fracture en voie de consolidation (essentiel pour les sportifs de haut niveau). Précisons l'intérêt pour le patient de la thermographie cutanée, il s'agit d'une technique non traumatisante, à la différence des méthodes par scanner, ou par scintigraphie (qui nécessitent l'injection d'un produit radioactif dans le système sanguin pour rendre visible le réseau et la circulation sanguine) et nécessitant un matériel sensiblement moins coûteux que les méthodes Doppler.

Ce peut aussi être le cas lorsqu'on veut connaître l'état de polymérisation d'une peinture ou d'un vernis en vue d'optimiser économiquement un processus industriel.

Un autre exemple est celui de la connaissance des températures de surface d'un vitrage, paramètres essentiels à déterminer lors du bilan thermique d'une habitation (et en raison des caractéristiques de transparence et de réflexion du verre il est totalement exclus d'utiliser une caméra IR pour cette détermination).


méthodes classiques de mesure d'une température de surface

Parmi les méthodes actuellement utilisées on trouve des méthodes par contact direct à l'aide d'éléments thermosensibles, des méthodes indirectes par extrapolation, ainsi que des méthodes de mesure à distance.

thermographie infrarouge

Cette méthode consiste à mesurer à distance le rayonnement infrarouge émis par la surface dont on veut connaître la température. Ce rayonnement dépend effectivement de la température superficielle, mais aussi de l'état de la surface, de sa nature et de son facteur d'émissivité lui-même dépendant de l'angle d'émission.

L'évaluation de la température de surface par cette méthode introduit une erreur systématique lors dela mesure. Cependant elle permet de dresser une carte thermique étendue, sans nécessiter de contact. Mais elle ne s'applique pas aux surfaces transparentes,et tout particulièrement aux surfaces vitrées.

thermographie micro-ondes

Son principe est fondé sur la détection des ondes électromagnétiques d'origine thermique, rayonnées par la matière. Cette méthode présente l'inconvénient majeur de ne pas se limiter à une zone superficielle, mais intervient dans une tranche trop épaisse, à la frontière du milieu matériel considéré. En outre, les ondes électromagnétiques porteuses de l'information sont de faible amplitude et très bruitées ce qui ccomplique l'extraction fiable de la température superficielle.

mesure par extrapolation

Cette mesure est basée sur le fait que la température de surface peut être considérée comme la limite de la température au sein du milieu matériel lorsqu'on tend vers la frontière avec le milieu ambiant.

On insère des éléments thermosensibles miniatures à très faible capacité calorifique au sein du milieu matériel et à différenes profondeurs, ce qui permet d'évaluer la variation du champ thermique selon la normale à la surface. L'extrapolation de ce champ jusqu'à la surface donne la température du point P situé en surface.


Cette méthode correcte a priori, mais inutilisable en pratique médicale ou industrielle est cependant utile pour fournir une surface étalon permettant l'étalonnage ou la comparaison avec les procédés par contact direct.

application de cristaux liquides

C'est une technique qui consiste à plaquer sur la surface testée une membrane à cristaux liquides. Ces derniers voient leur structure se modifier en fonction de la température ce qui se traduit par une variation de la composition spectrale de l'onde réfléchie, donc un changement de coloration en surface.

Cette méthode est peu coûteuse et donne une vue d'ensemble de la carte thermique. Malheureusement elle ne fournit qu'une image approximative du thermogramme car l'application de la membrane sur la surface modifie nécessairement sa température. Elle est couramment utilisée en milieu médical en particulier pour examiner la revascularisation autour d'une fracture en voie de consolidtion.

sonde thermométrique

La plus classique est la sonde aiguille dont l'extrémité comporte un élément thermosensible, mais on peut aussi exploiter le rayon réfléchi en extrémité d'une fibre optique mise en contact avec la surface. L'inconvénient majeur de ces sondes passives de contact résulte de la perturbation thermocinétique qu'elles introduisent au niveau du contact, ce que l'on va examiner de manière approfondie ci-dessous.


Difficultés de la mesure

Beaucoup d'utilisateurs imaginent d'employer une sonde, dite de contact, de faibles dimensions pour réaliser une mesure de température de surface, et divers industriels commercialisent de telles sondes pourtant scientifiquement inopérantes.

Cela est complètement illusoire en raison :
  • d'une part, du gradient thermique très important au voisinage de la surface lorsque celle-ci est à une température Ts différente de la température ambiante Ta, dont il résulte généralement que l'élément sensible de la sonde, aussi petit soit-il, n'est pas bidimensionnel et donc ne présente macroscopiquement qu'une zone extrêmement réduite au contact de la température Ts à mesurer. Notons que si la surface est à une température supérieure à l'ambiante le bon sens nous incite à penser qu'il y a une source thermogène en arrière de la surface dont la température est sensiblement supérieure à celle de la surface.

  • et d'autre part, à l'échelle microscopique on imagine aisément que la zone de contact résultant de l'état des surfaces respectives du matériau test et de la sonde est encore plus réduite (typiquement quelques points).

  • en conséquence l'élément thermosensible prendra généralement une température intermédiaire entre la température ambiante et la température préexistante à la surface à mesurer, et il y a une forte probabilité pour qu'en outre un transfert thermique s'établisse entre la sonde et la surface modifiant alors la température de celle-ci et faussant donc irrémédiablement toute mesure. Précisons qu'il est d'ailleurs très difficile de deviner a priori dans quel sens sera la variation de Ts puisque l'on ignore la superficie exacte de la zone de contact et donc l'importance relative des échanges qui vont être pertubés. En effet aux points de contact on peut, en supposant que Ts>Ta, imaginer que la surface va perdre de la chaleur vers la sonde ce qui devrait conduire à une diminution de Ts mais simultanément la surface qui n'est pas en contact mais très proche de la sonde empêche les déperditions par convection dans l'air ambiant. Ce qui aurait donc pour conséquence a priori d'augmenter la température de la surface. Lequel de ces deux phénomènes contradictoire va l'emporter? C'est complètement aléatoire, et la seule chose que l'on puisse affirmer c'est que la probabilité pour que la sonde, aussi petite soit-elle, donne une information correcte, est voisine de zéro.
L'élément thermosensible, pour des raisons pratiques doit être inséré dans un support pour pallier à sa faible résistance mécanique. Ce support contribue à la perturbation de la surface parce qu'il introduit une capacité calorifique qui n'est pas nulle.


Ainsi que le montre la figure ci-dessus, lorsqu'on applique la sonde sur la surface, les lignes de courant thermique qui initialement étaient parallèles entre elles et perpendiculaires à la surface vont être modifiées selon un effet dit de macroconstriction. Ce régime transitoire va durer un certain temps pendant lequel la température superficielle, initialement Tsi va dériver vers une nouvelle valeur Tsf, différente à la fois de Tsi et de la température finale de l'élément thermosensible.

La sonde est laissée au contact de la surface jusqu'à obtention d'un régime quasi stationnaire, où un transfert permanent d'énergie a lieu entre la sonde et la surface. Ce dernier est caractérisé par une densité de flux thermique F proportionnelle à la différence de température entre la sonde et la surface.

Tsf - Tthf = Rc F

La constante de proportionnalité Rc est appelée résistance thermique de contact. On voit que pour une densité de flux thermique donnée, l'indication finale de la sonde sera d'autant plus éloignée de Tsf que Rc sera grande. Cette résistance thermique de contact dépend de nombreux paramètres :
caractéristiques thermiques des milieux considérés
épaisseur de la zone intersticielle et sa configuration
état microscopique des deux surfaces en contact
aire des surfaces
pression et durée du contact

Il y a donc une erreur systématique dans ce principe de mesure.


Sonde de contact thermorégulée

En 1968, l'équipe de recherche alors dirigée par le Professeur Jean Gouault et basée à l'INSCIR, aujourd'hui l'INSA de Rouen, et actuellement dénommée PSI, a mis en évidence, en cherchant à déterminer la cartographie de la température frontale d'un patient, un phénomène d'échange thermique susceptible de conduire à une procédure de mesure à l'aide d'une sonde de température thermorégulée [GOU68], mais ce n'est que dans les années 90 qu'un thésard de mon équipe a pu réaliser un prototype d'usage général [Chadli 93].

Considérons une sonde comportant à son extrémité une thermistance thermorégulée à une température Ti grâce à un élément chauffant à température Tr incorporé dans le corps de sonde tel que figuré ci-dessous.

Examinons le comportement d'une telle sonde, lors d'un contact avec une surface à température initiale Ts, pour diverses conditions initiales.


Fig. comportement d'une sonde thermorégulée

Si la température initiale de la sonde Tio est inférieure à celle de la surface, son évolution lors d'un contact prolongé est de type exponentiel (fig. a) conduisant en un temps théoriquement infini (et pratiquement supérieur à la minute) à une température d'équilibre inférieure à celle de la surface qui restera donc inconnue. Ainsi que le montre la figure la température d'équilibre sera d'autant plus proche de Ts que la température initiale de l'extrémité de sonde sera proche de Ts, ce que le bon sens pouvait prédire. A la limite si la sonde était régulée à Ts il ne se passerait rien et la température finale serait Ts, malheureusement on ne connait pas Ts donc il est peu probable que ce cas idéal se produise.

Supposons que cette température initiale de l'extrémité de sonde Ti3 soit supérieure à la température de la surface Ts. Lorsqu'on applique cette sonde sur la surface on constate l'évolution figurée en (fig. b) c'est à dire un processus extrêmement rapide conduisant en 1s environ à un pic inversé Tp3 suivi d'un lent réchauffement comme dans le cas précédent.

Le phénomène essentiel que l'on va exploiter est ce pic, obtenu en moins d'une seconde, et dont la valeur est liée à Ti3 et Ts selon la relation, démontrée expérimentalement dans une première phase de la recherche, puis théoriquement ensuite dans le cadre d'une coopération avec le laboratoire de Thermique du CNAM (Paris)

Ti3-Ts = K(Ti3 - Tp3)
dans laquelle le facteur K est un facteur d'échelle caractéristique de la nature des surfaces en contact et de la qualité du contact (caractéristiques thermophysiques du milieu), mais indépendant des températures (et nous verrons dans la suite que cette indépendance est d'un grand intérêt pratique). Précisons qu'il est inutile de prolonger le contact dès lors que le pic inversé a été atteint, on dispose donc d'un procédé de mesurage rapide.

Les courbes ci-dessous précisent l'importance de certains paramètres dans le résultat


On notera que la valeur de la température de régulation ainsi que de la résistance de contact n'ont aucune influence sur le temps d'obtention du pic. Par contre la distance entre l'élément chauffant et l'élément de mesure en a une, plus celle-ci est importante et plus le pic est tardif, mais son amplituude est quasiment indépendante de cette distance.

Pour une sonde donnée, dont la pression de contact est calibrée (via un ressort), le coefficient K devient alors spécifique de la surface. Des travaux de modélisation théoriques et expérimentaux ont permis de maîtriser les paramètres dont dépend ce coefficient et d'élaborer une sonde à usage cutané dans laquelle K vaut sensiblement 0.2.


On notera que le corps de sonde de diamètre 20 mm est réalisé en altuglas (matériau facile à usiner et thermiquement peu conducteur), que l'élément chauffant (zone Tr) est constitué d'une résistance en fil de constantan bobinée autour d'un bloc de cuivre dont la température est détectée à l'aide d'une thermistance perle. C'est la température de la thermistance qui sera régulée à mieux que 1/20°C. Il en résultera, dans des conditions thermiques stables, une température d'équilibre initial Ti pour l'extrémité de la sonde constituée de la soudure chaude d'un thermocouple Cu/constantan et située à environ 2 mm de la zone régulée, afin d'optimiser la constante de temps de la réponse.
Remarquons que si la température de régulation est connue a priori (puisque choisie par l'opérateur), la température résultante Ti ne l'est pas, puisqu'elle dépend aussi de la température de l'air environnant, laquelle peut évoluer d'un moment à un autre. Notons que pour améliorer la qualité du contact la soudure chaude du thermocouple est constituée d'une pastille d'argent de 35µm d'épaisseur et 1mm de diamètre.
En outre pour simplifier la connectique la compensation de soudure froide du thermocouple est intégrée dans la sonde et fixée arbitrairement à 50°C, et réalisée selon le même principe que le bloc chauffant à Tr. Ainsi l'ensemble des fils sortant de la sonde pourront être fixés sur un connecteur standard intégré à la sonde évitant le risque de rupture d'un fil.

La pratique hospitalière a montré que pour obtenir des résultats fiables il fallait respecter un protocole de mesurage strict. L'association d'un microsystème informatique assure le respect impératif de ce protocole en assurant le contrôle de la régulation, la détermination de la température de consigne Ti, le respect de l'obligation de n'assurer la mise en contact de la sonde avec la surface (pour une énième mesure) que lorsque la température de l'extrémité de sonde est revenue égale à Ti calculée initialement, l'acquisition des températures selon un processus d'échantillonnage avec détection du pic (par détermination du changement de signe de la dérivée) et enfin le calcul de Ts à partir de la relation précédente.

Afin d'avertir l'opérateur que la température Ti est atteinte (et qu'il peut donc procéder à un contact conduisant à une mesure valide), que le pic est enregistré (et qu'il n'est plus utile de maintenir la sonde en contact avec la surface) ou que la mesure est incorrecte (parce que l'opérateur a exercé le contact alors que la température initiale n'était pas correcte, c'est à dire égale à Ti à 1/20°C près) un ensemble d'alarmes sonores est évidemment prévu.